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Carte postale suédoise: novembre 2005

30 novembre 2005

La fin des haricots.

Plage sous la neige.

Pour d'obscures raisons, le contrat de l'ordinateur que je loue actuellement pour un prix dérisoire (et sur lequel je tapote à l'instant) expire après-demain. Je n'aurai donc plus d'ordinateur chez moi à partir de cette date (donc plus de musique, plus de radio, plus de télévision, tout ça...). Un bon point pour ma vie sociale et littéraire, un mauvais point pour ce carnet dont les billets et les commentaires se feront plus rares, au gré des ordinateurs que je trouverai sur mon chemin.

C'était quand même une bonne idée de louer un ordinateur. Il åväit un jöli clåvier. Mais comme les meilleures choses ont une fin, toutes mes jolies données vont migrer vers le disque dur externe qui retrouvera un maître bientôt. Ou pas.

Toujours est-il que c'est dans ces moments-là que l'on trouve les outils comme Bloglines pratiques. Nomade de l'informatique qui retrouve ses repères quel que soit le type d'ordinateur auquel il a affaire. À quand une image complète de son environnement réutilisable partout (un peu à la manière de la knoppix) ?

29 novembre 2005

Saint-Pétersbourg - Bilan.

Panoramique de la Néva.En quittant Saint-Pétersbourg, c'est un grand mal de coeur qui s'empare de moi. Un profond dégoût qui me fait dire que le monde est d'une cruauté sans nom.

Pendant deux jours j'ai été immergé dans un univers de culture. Je suis entré dans des musées magnifiques. Ces musées que les Russes visitent en masses. Je suis passé le long du théâtre Mariinsky. Ce théâtre toujours plein. Ces ballets qui sont la fierté de toute une ville. Des gens passionnés de culture, oui. Mais des gens qui n'ont rien. Ou si peu. La culture. La vitrine d'un pays qui a de la peine à maintenir les murs en place.

Ces gens qui n'ont rien. Mais qui font des sacrifices sur le budget pour aller au musée. Car la culture n'est pas un bien de consommation. Elle fait partie d'eux-mêmes. Et elle doit donc être défendue.

Arriver dans un pays par la route, c'est une perspective réaliste. Quand j'entends ces gens qui me disent que la Russie va bien, je me gratte la tête. La route entre l'aéroport et le centre, en taxi, elle est plutôt proprette. Un vrai bijou fait pour les touristes et les hommes d'affaires. Celle qui vient de la frontière avec la Finlande et qui passe par Vyborg et les banlieues de Pétersbourg l'est beaucoup moins. On peine à cacher ces immeubles au bord de l'écroulement. Et quand on entend que Saint-Pétersbourg est une ville riche, on se dit que l'on fait bien d'être pessimiste.

Les Russes et leur histoire sont marqués par la souffrance et la privation. La souffrance, oui. Une guide qui, au détour d'une rue, vous dit "oh regardez là-bas, un attroupement de personnes avec des pancartes portant des revendications, il y a quinze ans vous n'auriez jamais vu cela !". Je peux vous dire qu'entendre ce genre de phrase, cela fait quelque chose. Et la privation, aussi. Lorsque le quotidien n'est pas rose, on se débrouille. Même à 70 ans. On essaie de mettre du beurre dans les épinards en surveillant une salle de musée. Et on voit tout autour cette mafia qui brasse de l'argent autant comme autant tandis que le peuple a beaucoup de mal à joindre les deux bouts. On voit ces Audi et ces BMW monstrueuses garée à côté d'épaves. Et on constate que la classe moyenne est pratiquement inexistante en Russie.

Il y a des gens qui vous disent qu'ils regrettent la période soviétique. Car "à cette époque, on respectait notre pays, on l'enviait presque". Il y en a d'autres qui vous disent que le tournant libéral n'a profité qu'à une infime minorité. Enfin il y en a qui vous disent que la situation va s'arranger, qu'elle était bien pire il y a cinq ans.

Alors bon an mal an, les gens s'y font, à cette pauvreté rampante. Mais voir des chanteurs admirables venir vers vous avec des yeux suppliants pour vous vendre leurs disques à des prix dérisoires, je peux vous dire que cela fait quelque chose. Voir ces gens qui sont capables de vous citer les noms de tous les architectes des bâtiments de la ville habillés dans des vêtements passablement usés, cela fait un pincement au coeur et vous fait dire qu'il manque quelque chose à la justice de ce monde. Car les Russes sont attachants. Ils ont un coeur, des idéaux et des histoires à raconter. Ils sont broyés par le système. Mais ils résistent, tant bien que mal.







En rentrant chez moi, tandis que je rangeais mes bagages, j'ai allumé la télévision et j'ai zappé rapidement. Je suis tombé sur MTV et un clip de 50cent en train de conduire une Saleen. En repensant aux Lada garées devant l'Ermitage, j'ai éteint la télé.

Direction Saint-Pétersbourg - 9 - 2005/11/13 - Pouchkine, 10h30.

Palais bleu de Catherine II

On m'avait martelé qu'aller à Saint-Pétersbourg sans passer par Pouchkine et le palais de Catherine II, c'était comme aller à Paris sans faire un détour par le château de Versailles. Dont acte.

Pouchkine est une ville située à une trentaine de kilomètres au sud de Saint-Pétersbourg. Elle est surtout connue pour être la résidence d'été des tsars de Russie et pour abriter le somptueux palais que Catherine II ("la grande Catherine") fit bâtir à grands frais. Une ville marquée par l'histoire, puisque son nom même est plutôt récent (1937) et est, vous vous en serez doutés, un hommage au poète du même nom (son ancien nom était Tsarskoïe Selo, le "village royal"). Raspoutine y est inhumé en janvier 1917 et Nicolas II (et sa petite famille) y vit jusqu'en février 1917, date de la déportation de la famille impériale à Ekaterinbourg, siège d'un joli bain de sang bolchévique autour du 14 juillet 1918.

Le portrait d'Alexis.
Portrait du tsarévitch Alexis. Malheureusement hémophile, il sera miraculeusement soigné par les dons de Raspoutine (il a été supposé depuis que le début des soins de Raspoutine coïncident avec l'arrêt de prise de médicaments par Alexis, ceci incluant l'aspirine dont on ignorait à l'époque les propriétés anticoagulantes). Peine perdue néanmoins, il finira sa vie, comme tous les autres membres de la famille impériale (Anastasia comprise, bande de rêveurs), à Ekaterinbourg.

Le palais de Catherine II, l'impératrice généreuse mais moche comme un pou, est un joyau. Il a retrouvé depuis environ trois ans sa chambre d'ambre, une merveille d'habileté technique mais un ensemble plutôt lourd (photographies interdites et les babouchkas veillent). Architecture très européenne.


Un groupe de chanteurs interprète ce que j'ai cru reconnaître comme une liturgie de Rachmaninov. Magnifique, tout simplement. Vous remarquerez le parquet.

Retour sur Saint-Pétersbourg en longeant l'aéroport Pulkovo II. L'avenue de Moscou est interminable, avec ses 12,5 kilomètres.

Il a encore neigé cette nuit.

Un bonhomme de neige en face de Djursholm.

28 novembre 2005

Direction Saint-Pétersbourg - 8 - 2005/11/13 - Saint-Pétersbourg, 02h47.

Métro de Saint-Pétersbourg.

Votre serviteur fait parfois des gaffes. Des petites choses qui font rire avec le recul, mais qui sur l'instant sont plutôt embarrassantes.

Soirée en ville. Vestiaires où l'on vous donne un numéro pour récupérer votre veste à la fin. Dans la poche, le numéro. Mais à force de sortir et de rentrer des choses dans ses poches justement, au bout de quatre heures, au moment de venir récupérer ladite veste, au moment où il y a un monde fou, a plus, le numéro. Zou. Volatilisé. Les amis demandent ce qui se passe. Et commencent à s'impatienter lorsqu'ils me voient discuter un bon moment au préposé du vestiaire.

Et oui, dire à une personne qui ne parle aucune des langues que vous connaissez (ou qui parle des langues que vous ne connaissez pas, c'est selon la perspective que l'on emploie) que vous avez perdu le numéro correspondant à votre veste, et que celle-ci est bleue et relativement commune (ah, eût-elle été jaune fluo...), cela promet un bon moment d'attente avant de la retrouver au milieu de deux mille autres. Avec la crainte qu'un petit malin ait trouvé mon numéro par terre et soit reparti avec ma veste. Un petit billet a vite fait d'arranger les choses et d'éviter le drame de fin de soirée. C'est comme ça que ça marche en Russie. Bon an mal an, la veste est retrouvée au bout de vingt minutes. La personne qui tient les vestiaires doit me maudire, ainsi que mes compagnons qui ont attendu un bon moment.

Évidemment, plus de métro. Alors pour se faire pardonner, votre serviteur décide de faire un geste d'envergure ("le truc qui tue"). Il fait un signe au bord de la route. Le fameux signe qui montre que l'on veut un véhicule (pour le cas nous dirons "une Lada"). Ni une, ni deux, mais trois Lada ralentissent. La première fera très bien l'affaire et ramènera tout ce petit monde à l'hôtel sain et sauf pour la somme modique de 250 roubles. Les amis sont impressionnés par le courage (que dire, le courage, la fougue !) de votre serviteur qui aura pu rattraper le temps perdu. Ils auront également eu l'occasion de constater que les Saint-pétersbourgeois roulent pour la plupart à tombeau ouvert. Et qu'ils ont de la musique qui sort de leur autoradio. Un top 50 russe fait d'un vague mélange de guitare électrique, d'accordéon et de sons à la Jean-Michel Jarre.

Fin de la journée. Bah ma brave dame, on ferait pas ça tous les jours, dites donc. Même que le lendemain il faut se lever à 6h30, en plus.

Direction Saint-Pétersbourg - 7 - 2005/11/12 - Saint-Pétersbourg, 17h20.

Église au soleil.

Après un détour par Saint-Sauveur sur le sang versé, passage par l'inévitable Ermitage. Place magistrale fréquentée par quelques soldats. Bâtiments gouvernementaux à proximité.

Canal sur la Néva.

Deux heures à peine à consacrer au musée si je ne veux pas rater tout ce que je voulais faire. L'éternel empressement du touriste qui n'a que peu de temps devant lui. Dilemme. Privilégier une activité qui demande du temps ou survoler pour voir l'essentiel de la ville ? Devant l'immensité du musée, je choisis la deuxième alternative. Survolons, donc. Quitte à avoir une fausse impression du tout.

Ermitage.

Je croyais entrer dans un musée ressemblant au Louvre. Fausse idée. Je n'y entends pratiquement que des Russes. Des Russes qui viennent en nombre visiter un musée gigantesque. Musée dont je n'aurai visité qu'un étage d'un bâtiment (l'Ermitage en compte cinq) en deux heures. Des collections innombrables au milieu desquelles on trouve pêle-mêle de nombreux Picasso, Matisse ou Friedrich (c'était d'ailleurs la première fois que je voyais des toiles de ce peintre).
Des salles gigantesques, surveillées par des babouchkas qui sont là pour mettre un peu de beurre dans les épinards. Elles sont assises sur une chaise, regardant le temps passer et répondant aux questions des visiteurs perdus. Par moment elles rabrouent le malheureux qui sort un appareil photo sans avoir acheté la licence qui l'autorise à faire cela.

Départ du musée. Parcours des rues seul à pied, même si cela était déconseillé par les guides. Marre de ces recommandations. Le long de la Néva. Puis traversée du Pont de la Trinité et sa longueur d'environ 900 mètres. La Seine ou même la Loire sont bien ridicules à côté du fleuve russe.

Le pont de la Trinité.
Comme tous les autres pont de la ville, il s'ouvre en deux en son milieu pour laisser passer les bateaux. Un joli spectacle d'ouverture des ponts toutes les nuits d'été. Je n'y ai malheureusement pas assisté.

À gauche, la forteresse Pierre-et-Paul, avec ses tombeaux des anciens tsars (et depuis peu les restes de Nicolas II ramenés d'Ekaterinbourg). À droite, le fameux croiseur Aurora. Le nom que l'on retrouve dans tous les livres d'histoire, le nom associé au début de la révolution russe.

Croiseur Aurora.

Retour à pied. Huit kilomètres effectuées. Mais la journée n'est pas pour autant terminée.

23 novembre 2005

Good bye Lenin.

Statue de Lénine.

Spécial dédicace à Lulu. Je tiens toutefois à préciser que cette photographie n'est pas du tout représentative de Saint-Pétersbourg et qu'il y a de fortes chances que la statue (située sur l'avenue de Moscou, 12,5 kilomètres) ait été laissée pour les touristes. Même si je suis d'une certaine manière favorable à la préservation de ces bâtiments et de ces statues, symboles architecturaux et "artistiques" d'une époque.

L'époque révolue.

Église.
L'église de Saint-Sauveur sur le sang versé (nom fort charmant, ma foi), construite sur le lieu de l'assassinat du Tsar Alexandre II en mars 1881. Le récit de mes aventures à Saint-Pétersbourg continuera lundi prochain. Tonton Bertrand vous expliquera entre autres comment transformer la première Lada venue en taxi improvisé. Il vous expliquera également comment retrouver votre veste perdue au milieu de 2000 autres semblables. Moments mémorables en perspective, c'est moi qui vous le dis. Sinon je précise aux mauvaises langues qu'il y a un bout de ciel bleu sur cette photographie.

Demain je pars faire un saut de puce en France. Retrouver Rouen, Paris, puis Nantes. Et revenir sur Stockholm dimanche.

Le costume et la cravate sont prêts. Événement un peu spécial, puisqu'il s'agira de tourner définitivement la page de l'école d'ingénieur. Retrouver des amis auxquels je tiens (et parmi eux l'homme par qui le scandale arrive). Poser sérieusement ou pas sur des photos que je garderai (bande de petits veinards, vous aurez peut-être droit à la photo de ma pomme en costume/cravate, juste histoire de vous donner une fausse image de moi).

Une page s'est tournée. Beaucoup de gens rencontrés dans la promotion. Et finalement très peu de gens avec lesquels je garderai un réel contact (si ce n'est "pour le carnet d'adresse"). Mais ces gens avec lesquels je garderai un réel contact, je crois que je peux compter sur eux. Et ça c'est important. Des gens à qui je rendrai visite même si je vis à l'étranger. Des gens dont je demanderai des nouvelles.

Car on a beau fantasmer sur la notion de "promotion", on n'en reste pas moins humain avec des affinités plus ou moins prononcées.

21 novembre 2005

Direction Saint-Pétersbourg - 6 - 2005/11/12 - Saint-Pétersbourg, 10h10.

Drapeau russe et blason.
Le drapeau russe et le fameux aigle bicéphale.

Ce qu'il y a de bien avec les visites guidées en bus, c'est qu'elle permettent, au-delà de leur côté un peu trop touristique (cette fois-ci on parlera plutôt d'une visite "académique"), de se faire une bonne idée de la ville que l'on visite, surtout lorsque l'on n'y reste que peu de temps. On embrasse plus facilement sa topologie, les places en hauteur y étant certainement pour quelque chose.

9h30. Le bus attend la guide. Arrive une petite bonne femme maigrichonne, un peu courbée. Chapeau en feutre marron, pardessus de la même couleur. Elle ne paie pas de mine, la guide. Elle parle un anglais oxfordien qui me rappelle un âge un peu révolu. Le bus démarre, elle nous décrit passionnément tous les bâtiments que nous longeons, connaissant sur le bout des doigts leur année de construction, leur architecte, le nombre de briques qui les composent. Et on roule.

Me voilà donc embarqué dans les grandes avenues de Saint-Pétersbourg, cette ville magnifique en perpétuels travaux. Ces immeubles du XVIIIème tous plus beaux les uns que les autres, posés les uns à côté des autres sans aucune unité. Une sorte de Disneyland du XVIIIème. Ces immeubles magnifiques, mais dont la peinture peine à cacher la vétusté. Un manque certain d'argent pour entretenir tout cela. Elle est un peu à l'image du drapeau flottant sur l'hôtel de ville, Saint-Pétersbourg. De loin, fière et imposante. De près on remarque qu'elle est effilochée et que son blason a besoin d'un sacré coup de lustrage.

Cathédrale Saint-Isaac
La cathédrale Saint-Isaac, monument d'Etat réalisé par le Français Auguste de Montferrand. Elle peut accueillir 14 000 fidèles. Pour l'anecdote je prends la photographie à partir du pont le plus large d'Europe (93 mètres).

Smolny, bâtiment bleu.
Le couvent de Smolny, conçu par Bartolomeo Rastrelli, l'apôtre du baroque russe. Le bleu utilisé est vraiment magnifique.

Très peu de bâtiments de type "stalinien" à Pétersbourg. L'ambassade anglaise, située "place de la dictature du prolétariat" (ça ne s'invente pas), tout près du convent de Smolny, est l'un d'eux. C'est un peu cela, aussi, Pétersbourg. On peut trouver le pire à côté du meilleur.

Retour à pied. Entouré de Lada dont on a peine à deviner la couleur. Car oui, à Saint-Pétersbourg, les rues ne sont pas nettoyées. Elles sont seulement balayées pour enlever les papiers. Ce qui rend vos bas de caisse ou de pantalon irrémédiablement sales lorsque le temps est humide.

Colonne à étoile.
Place Vostaniya, à côté de la gare de Moscou. La perspective Nevsky en face. L'Amirauté, tout au fond. On remarquera qu'il y a des soldes chez Discount optique.

Après-midi à pied. Mes chaussures vont le sentir passer.

20 novembre 2005

Joie du matin.

La personne soumettant "stockholm étudiant français" à Google tombe sur ceci. Ce qui est assez réjouissant, vous en conviendrez.

Première neige durable.

Forêt sous la neige.

Ouf, il était temps. Et comme il va neiger encore dans les prochains jours, on risque d'en avoir pour longtemps.

La même sensation que l'année dernière, sauf qu'elle est doublée de la satisfaction de retrouver de la lumière dans ma chambre orientée nord, vers la forêt.

Pour les curieuses et les curieux je précise que je n'habite pas à la campagne mais dans Stockholm. Avoir une forêt en face de soi au réveil alors que l'on habite une capitale, c'est l'un des nombreux privilèges d'habiter en Scandinavie.

19 novembre 2005

Direction Saint-Pétersbourg - 5 - 2005/11/12 - Saint-Pétersbourg, 6h30.

Vue de ma chambre. Ciel rose.
Au loin, dôme doré. la cathédrale Saint-Isaac. Devant elle, la cathédrale Nikolsky. Le canal Fontanka a une couleur bien sombre.

Réveil difficile. La chambre, au 10ème étage, est relativement peu chauffée. Au petit matin, Pétersbourg a des allures de ville en friche. On aperçoit les usines qui fument, au loin. Les immeubles détrempés n'ont pas fière allure, mais la météo dit que le temps va s'améliorer. Il change vite, ici.

Les bâtiments aperçus la veille au soir sont tout aussi magnifiques. La journée promet d'être mémorable.

18 novembre 2005

Direction Saint-Pétersbourg - 5 - 2005/11/11 - Saint-Pétersbourg, 21h40.

Un vieux téléphone.

Arrivée dans la capitale de Pierre le Grand sous des trombes d'eau. On peut entrapercevoir de grands immeubles à ses abords. Ces grands immeubles communs à toutes les grandes villes. Et puis...

L'émerveillement en apercevant la forteresse Pierre-et-Paul. Le pincement au coeur en traversant la Neva et en longeant l'Ermitage sur la gauche. Une ville de lumières, beaucoup mieux mise en valeur que Stockholm. On tourne à gauche pour prendre la perspective Nevsky et ses 4,5 kilomètres. On devine à peine les canaux dans la nuit, on passe malgré tout Fontanka.

Hôtel Sovetskaya. Carrelage lustré du matin. Enregistrement des visas (en Russie, les visas doivent être enregistrés dans les 72 heures suivant l'entrée dans le pays, et ceci peut être fait au niveau de l'hôtel (un vestige de l'ancien système soviétique) ou auprès d'un poste de police).

Typique de la Russie, cet hôtel. Accueil froid mais professionnel. Un immeuble imposant de l'extérieur. Des personnes en costume à tous les étages en train d'attendre ou de surveiller on ne sait quoi. Une babouchka assise sur une chaise des années 60 dans le couloir, veillant toute la nuit au cas où un client aurait besoin de quelque chose. Une chambre vétuste au possible mais propre. Un mobilier en formica qui a sans doute connu Khrouchtchev. Des canalisations qui rejettent une eau à l'odeur suspecte. Une eau qui rend toute douche plutôt désagréable et fait boucler mes cheveux. Une eau que je ne boirai pas, et que je n'utiliserai même pas pour me brosser les dents.

Repas frugal. Sortie aventureuse seul dans des rues où l'on me recommande de sortir en groupe. Découverte des canaux, Mariinsky, senteurs de Russie. Première nuit à Saint-Pétersbourg. 4 heures de sommeil.

Le carnet voyageur...

... est bien arrivé en terre scandinave. Il repartira dès que possible vers le soleil. Un très Moleskine qui je l'espère se remplira de la plus jolie des manières.

J'en profite pour lancer un appel à des carnétières et carnétiers qui aimeraient nous rejoindre et recevoir elles et eux aussi le carnet voyageur. J'en connais une qui serait ravie que la chaîne s'allonge et traverse les mers et les océans.

Direction Saint-Pétersbourg - 4 - 2005/11/11 - Vyborg, 19h20.

Un coffre rempli d'alcool et de cigarettes.

+1h.

Première grande ville après la frontière. L'aventure a commencé. Sous une pluie battante, la mère Russie commence à dévoiler ses charmes.

À peine arrêtés pour faire le plein d'essence, nous voilà entourés par deux Lada passablement rouillées avançant vers nous en marche arrière. Leurs coffres s'ouvrent et laissent entrevoir la marchandise.

Marché noir, vodka frelatée, cigarettes à la provenance douteuse... L'anarchie complète en Russie, pas de doutes. Mais un parfum de joie qui flotte dans l'air. Nos états proprets et rectilignes de Scandinavie sont à dix mille lieues de tout cela.

Un peu de folie, ça fait du bien, pas de doutes. Tout en sachant que l'argent venant de ces trafics n'est pas forcément recommandable, même si l'on voit que les hommes burinés qui vendent cela travaillent à une petite échelle. Au vu et au su de tout le monde. Parce qu'en Russie, si l'on veut s'en sortir, il faut se débrouiller en contournant l'État. C'est l'une des grandes leçons de ce voyage. Et c'est bien malheureux.

17 novembre 2005

Direction Saint-Pétersbourg - 3 - 2005/11/11 - Vaalimaa, frontière finno-russe, 13h30.

Photo d'un visa pour la Russie.

La partie de plaisir commence.

Le nombre de voitures "ma chérie" augmente dangereusement au fur et à mesure que le poste frontière se rapproche. Les arbres se font plus rares. La tension commence à monter lorsqu'il s'agit de rassembler les papiers nécessaires.

La guérite du douanier me dit que je ne me suis pas trompé de pays. Un savant empilement de boîtes en carton permet de soutenir sa vitre guillotine qui menace de s'effondrer à tout moment.

Dialogue surréaliste avec lui qui n'a pas forcément l'air content que je ne parle ni finnois, ni russe. Il commence à parler dans un anglais approximatif :

Lui (en train d'examiner mon passeport et mon visa) : Vous pouvez m'épeler le nom de votre ville natale ?
Moi : R-O-U-E-N.
Lui : C'est où ?
Moi : Dans le nord-ouest de la France. Environ une heure de Paris.
Lui : Ah, une heure de Paris, bien... À côté de Paris, voitures, boum !!!

Un gros rire se fait entendre, et son collègue de derrière lui emboîte le pas, se foutant passablement de moi. Sur le moment je me suis demandé si je devais lui poser des questions sur la manière de régler le problème, vu qu'apparemment la Russie a une bonne expérience avec la répression en Tchétchénie. Et puis je me suis ravisé, me disant que son humour n'était peut-être pas si caustique. L'idée de passer quelques heures au poste ne me réjouis en effet guère.

Elle porte bien son nom, cette frontière. Deux heures trente pour la passer. Sortir et ressortir son passeport. Regarder la préposée à la beauté glaciale apposer son tampon d'une main ferme. Contempler son habit tout droit sorti de la guerre froide. La coupe est on ne peut plus disgracieuse, sa chapka lui donne un air atrocement sévère. Déroutant.

Un no man's land de trois kilomètres sépare les deux pays. Interdiction de sortir de son véhicule dans cette zone. Et enfin, passer.

Une grande joie s'empare de moi. Les panneaux routiers en cyrillique me fascinent. Bienvenue en Russie.

Direction Saint-Pétersbourg - 2 - 2005/11/11 - Turku, 6h35.

Arrêt de bus passablement vétuste.
Pikavuoro, Lahnajärvi.

+1h.

Arrivée matinale après une nuit relativement secouée. Confort précaire dans la cabine, trois ou quatres heures de sommeil.

De retour sur le sol finlandais, cette fois-ci dans un port que j'aurai à peine le temps de voir car il faut déjà prendre la route. Saint-Pétersgourg est encore bien loin.

Pas grand chose de nouveau en Finlande. Les prix sont toujours aussi exorbitants, les Sanomat se vendent toujours en quantités incroyables. La forêt est moins belle, forcément. La route promet d'être longue et fastidieuse.

Direction Saint-Pétersbourg - 1 - 2005/11/10 - Stockholm, 20h10.

Ferry à quai, le jour se lève.

Départ. Archipel venteux, mer légèrement houleuse. La traversée de la Baltique promet d'être plus difficile que la dernière fois. Novembre, il faut dire. Rien de bien surprenant.

Le bateau tangue un peu, mais rien de bien méchant. Les températures un peu douces font que le pont ne gèle pas encore. Dommage, je me serais bien vu faire des glissades. Ah, ces températures trop douces pour la saison... Légère crainte d'avoir un séjour gâché à cause de cela. À quelques degrés près, la neige se transforme en pluie.

La rudesse des équipages de la Viking Line ne se dément pas. Heureusement qu'ils ont souvent les tarifs les plus bas, sinon il y a longtemps que j'aurais ripé mes galoches. Bref.

Sinon, amusons-nous encore à constater l'effervescence qui règne au rayon "alcool" de la boutique Duty free. Évitons le karaoké où grands-mères et grands-pères fredonnent des tubes finlandais des années 70, et passons au lendemain qui promet d'être à coup sûr mémorable.

15 novembre 2005

Beau fixe.

Palais d'hiver de nuit, bel éclairage.
Le Palais d'Hiver, partie ouest du musée de l'Ermitage.

En toute simplicité, je rentre du plus beau, du plus fatiguant (en 5 jours j'ai dormi 25 heures), du plus incompréhensible et du plus improbable voyage que j'aie jamais effectué. Ma joie n'a pas été gâchée au retour, puisqu'un certain nombre de bonnes nouvelles m'attendait à mon retour sur Stockholm. L'horizon se dégage.

Je reporterai mes notes de voyage au cours de la semaine. Les impératifs scolaires et mon lit m'appellent urgemment.

9 novembre 2005

Bons baisers de Russie.

Mon premier grand voyage depuis l'âge de 12 ans. Un peu d'aventure, sans doute beaucoup d'imprévu. Pas mal d'organisation non plus et un peu de prudence, aussi. Il ne faudrait pas tout gâcher.

Demain, bateau pour traverser la Baltique, direction Turku. Une traversée de la Finlande pour aller chercher la frontière. Et là, le saut dans l'inconnu, même si cette partie de la Russie reste encore très occidentale. La première fois de mon existence que je quitte l'Union Européenne, tout de même.

Allez, portez-vous bien, et bonjour chez vous.

8 novembre 2005

Note joyeuse.

Dans la famille "ces histoires qui n'arrivent qu'ici", cette histoire amusante de deux élans fous passablement émêchés après avoir ingurgité trop de pommes fermentées tombées au sol.

Bienvenue au Kazakhstan.

Alors qu'une amie a reçu une proposition de stage se déroulant en partie au Kazakhstan, elle m'a demandé de l'aide pour trouver des renseignements sur le pays lui-même et sur les modalités à suivre pour éventuellement y entrer.

L'occasion de connaître quelques chiffres sur ce curieux pays isssu de l'ex-URSS, grand comme l'Europe occidentale et quatre fois moins peuplé que la France. Une culture franchement inconnue, ce sentiment de vide lorsque l'on regarde ces photographies de steppe sans fin.

Et, au milieu de tout cela, des détails qui ne donnent pas franchement envie, et que le ministère des affaires étrangères a tôt fait de nous rappeler :
En outre et de manière générale il est recommandé :

* de ne pas ouvrir sa porte à un inconnu quel qu'il soit (homme, femme, enfant)
* de garder toujours sur soi une petite lampe de poche.
* d'être prudent lors des entrées et sorties du domicile, au sortir d'une soirée ou d'un bar, tard dans la nuit, et en changeant de l'argent dans les petits kiosques.
* de conserver en lieu sûr une photocopie de son passeport, de sa carte d'identité, de ses cartes de crédit, billets d'avion, etc.
* d'éviter de se promener seul la nuit, de circuler en taxi non officiel, de porter un sac en bandoulière, ranger dans un même lieu sûr documents d'identité, argent, cartes de crédit etc.
* pour les résidents, de munir son domicile d'une porte blindée, voire de grilles aux fenêtres et en cas de perte de clé, changer la serrure.
Un récent rapport scientifique indique que les régions orientales et occidentales du Kazakhstan sont considérées comme en état de désastre écologique, notamment du fait de la pollution radioactive et chimique. En outre, la radioactivité présente à Almaty et sa région est largement supérieure à la normale et expliquerait principalement les nombreux cas de cancer recensés.

Une publicité dont se serait bien volontiers passé un pays qui doit sans doute avoir un peu de mal à attirer les touristes en mal d'aventure et les investisseurs étrangers.

Enfin, comme si cela ne suffisait pas, on trouve des choses franchement ignobles:
Justificatifs à produire pour un visa de long séjour d'une durée de validité d'un an :

* contrat de travail
* adresse du lieu de résidence
* test de dépistage du sida

J'avoue que je suis tombé des nues en lisant cela. C'est la première fois que j'ai pu lire une telle ignominie.

Un exemple qui m'a permis de découvrir que ce genre de pratique avait lieu au Koweit à partir de la France, en Russie à partir de la Suisse, et dans pas mal d'autres cas.

Recherche qui m'a permis d'atterrir sur ce texte me rassurant sur le fait que je n'étais pas le seul à être choqué. Quelques phrases qui nous montrent le flou important qui peut exister dans le cadre des Affaires étrangères. Ce qui n'est guère rassurant, vous en conviendrez.

Réflexion du matin.

Au vu du nombre de visites de la veille sur ce modeste carnet, j'ai mon petit palpitant qui s'affole. Il ne faut pas me faire ça, les gens.

Enfin comme quoi, pas à dire, les banlieues c'est un sujet porteur, que ce soit au niveau électoral ou au niveau de la blogosphère. Et c'est bien triste, tout de même.

6 novembre 2005

Pour détendre l'atmosphère...

Ce soir, à la télévision, j'ai vu une publicité qui m'a laissé perplexe. Elle vantait un produit étrange. Si étrange que j'ai d'abord cru à une publicité type Fast huîtres. Et en fait non.

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, j'ai l'honneur de vous présenter Easy Spray. Pour mettre un soupçon d'huile ou de vinaigre dans vos préparations culinaires de haute qualité, vaporisez. 179 couronnes, tout de même (environ 20 euros).

J'imagine l'allure du spray d'huile au bout de six mois d'utilisation.

Clichy-sous-Bois, l'étincelle d'un gâchis annoncé.

On me dira que je ne vis plus en France et que je n'ai donc pas mon mot à dire. On me dira que je n'ai pas forcément le parcours scolaire fait pour juger ce qui se passe actuellement dans les cités. On me dira que la meilleure façon de faire pour que les choses s'arrêtent est de ne pas en parler.

Je dirai seulement que ce qui se passe en ce moment est très grave. Et que par conséquent chacun a son mot à dire pour tenter de trouver des solutions à un problème qui couve depuis plus de trente ans et qui a toujours été minimisé, laissé en attente, et utilisé à des fins électorales.

Problème énorme. Multitude de causes liées les unes aux autres. Inextricable, comme des pelotes de laines qui auraient été passées à la machine à laver puis essorées à la vitesse maximale. Erreurs simples qui conduisent à une situation inextricable de laquelle il sera difficile de sortir sans utiliser des ciseaux.

Pas de solutions miracles de ma part, sinon il y a longtemps que j'aurais créé un parti politique. Quelques phrases chaotiques qui sortent, des pensées aussi chaotiques que la situation actuelle.
  • Quand on est expatrié, et malgré les outils d'information qui existent aujourd'hui, on se contente souvent des images données par la presse locale. Et elles font très mal, ces images. Elles vous prennent au ventre et vous secouent. Elles tranchent radicalement avec l'image que donne d'habitude la France d'elle-même à l'étranger. On aime quand le journal vous parle des derniers prix littéraires français ou de la réouverture de tel ou tel grand musée (cette idée de "ministère de la culture" qui provoque l'admiration...). Lorsque la une du journal suédois quitte les enjeux nationaux pour titrer "Frankrike brinner" ("la France brûle") ou "Upproret sprider sig" ("les soulèvements s'étendent") avec une photographie digne d'une scène d'apocalypse, on sent le mal de coeur monter. On a soudain conscience que le pays adoré a son vernis sacrément écaillé et que ces images mettront longtemps avant de sortir des mémoires. Car l'image de l'extérieur, c'est peut-être ce qu'il y a de plus révélateur pour un pays. C'est le résultat d'actions politiques, d'efficacités législatives ou de gestion de situations. Et force est de constater que depuis mon arrivée ici, cette image de la France a plus souvent été négative que positive. Alors je me dis que ces problèmes n'existent pas uniquement en France. Comme pour me rassurer, comme pour me dire "rira bien qui rira le dernier". Mais pour l'instant, je ne peux que sentir un profond dégoût quand dans l'agrégateur un article de journal sur quatre titre sur ce qui se passe actuellement en France, que ce journal soit américain, suédois, anglais ou allemand.

  • S'il y a une chose qui me choque dans ces violences, c'est qu'elles ont dépassé le seuil au-delà duquel l'esprit du quidam moyen (moi le premier) s'échauffe. De nombreuses connaissances plutôt modérées m'ont confié qu'elles commencent à se faire peur. À avoir des discours de fermeté (voire pire) alors qu'avant elles faisaient preuve de la sagesse la plus admirable. Moi-même je commence à être fatigué. Fatigué des mêmes discours bourrés de poncifs que l'on tient sur les banlieues depuis des années. Fatigué d'entendre "il faut", d'entendre "si je suis élu je", exaspéré. En espérant que les esprits sauront garder leur lucidité face à la situation. Mais dans un conflit où les deux "camps" (si tant est que l'on peut parler de camps bien définis) sont remontés l'un contre l'autre à un point que l'on ne peut pas imaginer, dans un conflit où les personnes quittent définitivement les discours lisses pour taper du poing sur la table (encore une fois, moi le premier), on peut légitiment penser que cela se finira mal.
    Car l'intégrité physique et la propriété, c'est peut-être ce que nous avons de plus précieux. Et quand on leur porte atteinte, on peut craindre que la réaction soit impitoyable et incontrôlée. Voir le fruit de son travail réduit en cendres par des incendiaires dont la notion de propriété commence là où s'arrête celle des autres. Voir toute l'énergie qu'un éducateur a déployée s'évanouir parce que le comportement grégaire aura pris le dessus. De quoi répondre durement, et pas toujours avec la méthode appropriée.

  • Certaines personnes mal informées (journalistes et politiques en tête) ont découvert que les banlieues vont mal et n'ont eu besoin que d'une étincelle pour devenir incontrôlables. Tant que les "personnes d'influences" ne raisonneront que par chiffres et tableaux sans sortir de leur bureau dans le centre de Paris, pas de solution possible. Ah et puis tiens, les cités existent également en province et même dans les petites villes, grande découverte. 30 ans que l'on sent que ça va exploser. 20 ans que cela explose. 10 ans que c'est devenu incontrôlable.

  • Associer habitation, manque de moyens financiers et délinquance, c'est un poncif d'une naïveté sans nom. J'ai vécu 20 ans en HLM, dans une espèce de "barre" de 7 étages pour environ 25 appartements. Quartier tranquille. Des gens qui ont très peu d'argent, d'autres qui en ont un peu plus. Certaines personnes qui ont des voitures qui ressemblent à des tas de ferraille, au rab de 205 qui n'ont plus d'âge. Des gens qui se disent bonjour dans l'immeuble. Un ascenseur pas entretenu. Des gens qui demandent que leurs fenêtres vieilles de 30 ans soient remplacées parce qu'elles prennent l'eau, et qui se font répondre par l'office HLM qu'il n'y a pas assez de crédits nécessaires parce que dans un "quartier sensible" (qui n'est pas le vôtre, vous êtes "privilégiés"), il y a des boîtes à lettres qui ont été incendiés et qui ont besoin d'être remplacées. Des gens qui ont du travail, d'autres qui sont au chômage. Mais dans ce quartier, pas de délinquance, ou quasiment pas. Peu d'espaces verts, pourtant. Des immeubles moches mais propres, construits dans l'urgence de la longue après-guerre, à l'époque où il y avait encore des maisons-bidonvilles dans lesquelles on marchait sur de la terre battue (le luxe pour des gens peu fortunés, ces immeubles, à l'époque).

  • Les gens qui veulent la démission de Sarkozy jouent à un jeu très dangereux (Libération me donne des boutons pour l'occasion). Car c'est à peu près le seul message politique émanant des brûleurs de voitures. Un message simpliste qui ressemble à un combat de coqs, à un jeu du chat et de la souris, à une loi de la jungle ("j'ai gagné grâce à la violence donc tu cèdes"). Démissionner, c'est un aveu de faiblesse. C'est accepter la violence. Lui donner une raison d'exister.
    Que l'on soit bien d'accord. Je déteste Sarkozy, et ce pour un tas de raisons. Mais qu'il démissionne, cela serait la pire des réponses. Car ce serait ouvrir le robinet de la violence qui pourrait légitimement croire qu'elle peut exister puisqu'elle a été entendue. On ne négocie pas avec des gens qui tuent sauvagement un homme dans la rue ou qui mettent le feu à une vieille dame handicapée. On ne négocie pas avec des gens qui, suite à leurs pulsions de destruction, mettent le feu à des usines et par conséquent mettent des dizaines de personnes au chômage technique.
    Car, et c'est bien triste, ce qui caractérise ces violences, c'est l'absence totale de message politique qui y est associé. Et quand j'entends parler de "mai 68 bis", je crois que l'on fait une grossière erreur. Les casseurs sont totalement apolitiques. Ils ne vont pas voter (quand ils sont majeurs) et ne sont pas intéressés par la politique. Alors, la bagnole brûlée, elle n'a aucune signification, surtout quand c'est celle du voisin qui est dans la même galère. Elle sert seulement à faire parler de soi, à montrer que Aulnay peut faire aussi bien que Clichy. La loi du plus fort, on y revient.
    Donc, réclamer la démission de Sarkozy, c'est surfer sur la vague de ces violences pour des fins bassement politiques. Le changement aura tôt fait de passer par les urnes. Alors, journalistes de Libé, je vous prendrai un peu plus à la légère lors de ma prochaine lecture, vous m'avez quelque peu déçu.

  • À bien y réfléchir j'ai été un peu étriqué dans le paragraphe précédent, en ce qui concerne la signification de ces voitures brûlées. Mais ce qui me choque le plus souvent, c'est la jeunesse des casseurs. Qui serait en droit de manifester ? Les parents au chômage, peut-être. Ces gens qui sont à plaindre sur de nombreux points. Alors quand je vois que ce sont des mômes de 10/16 ans qui jouent les caïds, je m'interroge. Aucune revendication, seulement une envie de mettre à mal tout ce qui représente la société dans sa globalité, ses institutions comme ses services. Mettre le feu à un bus, ce n'est pas un hasard. Attaquer un bureau de poste non plus. Caillasser des pompiers ou des policiers, c'est très grave. Envoyer des cailloux sur des gens qui sont censés protéger. Envoyer des cailloux sur des services qui s'adressent à tous, sans conditions de ressources.
    Brûler des écoles quasiment neuves, auxquelles on a donné des moyens. Brûler par la même occasion des livres, symboles de connaissance. Puis retourner chez soi, allumer MTV et écouter Skyrock. C'est peut-être cela, la conclusion à tirer de ces événements. La défaite de l'intelligence.

  • En parlant de Skyrock, il m'est d'avis que ce genre de média a une responsabilité non négligeable dans ce qui se passe, même si je ne souhaite pas déresponsabiliser les personnes qui les écoutent. Mais quand on constate que ces radios (et ces blogs, pour l'occasion) permettent bien souvent de faire passer des réflexes idéologiques dans les esprits (au hasard flic = "satan" ou état = "institution qui ne te veut que du mal"), on peut se demander s'il ne faudrait pas parfois se tourner de ce côté. Sachant que Skyrock est la première radio musicale sur l'Île de France, on en vient à se dire que Difool et ses amis ont plus d'influence sur les jeunes que n'importe quelle homme politique, et de loin.

Enfin bon, plus de 2000 voitures brûlées et des dizaines de bâtiments détruits c'est bon pour la croissance, alors il faudrait peut-être voir à ne pas se plaindre, non ?

Alors il ne s'agit pas de minimiser le désoeuvrement dans lequel se trouvent les personnes qui commentent ces actes. Éducation et emploi sont sans doute les clés du problèmes. Mais voilà. Quand on vit à l'étranger, on devient un vieux con. Mais on n'oublie pas le dicton "qui aime bien châtie bien". Je dois bien l'aimer mon pays, pour châtier autant.


Dans un tout autre registre, le mauvais temps qui règne actuellement sur Stockholm pousse aux soirées chez soi bien au sec, ce qui m'a permis de voir pour la première fois The Hours. Moment rare où, lorsque le générique de fin est apparu, je me suis dit "tu viens de voir là un grand film".

5 novembre 2005

Pensée du soir.

Un salon rempli de personnes. Le journal télévisé qui commence. Le nom de Clichy-sous-Bois prononcé. Clichy-sous-Bois. Un nom qui rentrera dans les mémoires, sans doute. Des images de guerre civile, la peur permanente. Téléspectateurs tout à coup silencieux, dans le salon. Et des visages incrédules qui se tournent vers moi, l'air de me demander "comment en est-on arrivé là ?".

Et moi de me dire que la question est sans doute là, et que pour l'instant sa réponse est plutôt nébuleuse.

Les quelques étudiants suédois qui ont lu Voltaire ou Montesquieu n'en dormiront pas de la nuit. Et moi non plus, par la même occasion.

2 novembre 2005

Phobie générationnelle.

Hier, amies lectrices, amis lecteurs, je vous ai soumis un billet d'un genre un peu particulier. Particulièrement partial, teinté d'une mauvaise foi à faire trembler et d'une vacuité sans fin. Bien que je sois d'accord avec ce que j'ai écrit, je l'ai avant tout publié pour montrer une chose : il est en général naturel de déverser sa bile sur la génération suivante.

Car voilà. Moi aussi j'ai été ridicule. Moi aussi parfois j'ai manqué de tact. Mais je ne m'en rendais pas compte. Et c'est maintenant à mon tour de juger les autres. Avec toute l'intolérance qu'il se doit.

Dans l'ordre naturel des choses. Comme il l'était, en école d'ingénieur, de fustiger la promotion suivante parce qu'elle ne travaillait pas assez ou ne s'investissait pas assez dans la vie de l'école. Comme il l'est de dire "oh, c'était mieux avant". Comme il l'est de dire "le gouvernement actuel est le pire que j'aie jamais vu". On a la mémoire courte, les amis.

Enfin, c'est toujours l'occasion d'écrire un billet rigolo.

1 novembre 2005

Francophobie ordinaire.

L'étudiant Erasmus français fraîchement débarqué à Stockholm m'exaspère. Je ne le supporte plus. Il me donne des boutons. Bref, je le fuis. Et, dans mon grand élan de générosité, je vous apprends à le découvrir sous toutes ses coutures.

  • Il a un sac à dos Eastpak (pratique pour le repérer de loin).
  • Sa première préoccupation, en arrivant, est de demander à son voisin, dans un anglais abominable, s'il y a des soirées organisées dans son quartier (évidemment je ne reviendrai pas sur sa maîtrise de l'anglais).
  • Ah oui, évidemment, le Français croit, comme bon nombre d'autres personnes, qu'il vient ici pour palier à son manque d'attention lors des cours d'anglais au lycée.
  • Et naturellement, il peste contre les sites Internet suédois qui ne sont pas traduits en anglais et qui demeurent dans cette langue barbare avec des lettres qui sörtent de l'ordinåire. Lorsqu'on lui dit que bon nombre de sites français ne sont pas traduits et qu'il n'y a pas d'obligation à ce qu'ils le soient, il hausse les épaules et ne comprend pas.
  • L'étudiant français nouvellement arrivé a évidemment vu l'Auberge espagnole, et il a la surprise de constater que Stockholm ce n'est pas Barcelone.
  • Il râle tout le temps. Il râle parce que le métro est cher et ne passe pas souvent (mais par contre il est certainement plus confortable qu'à Paris). Il râle parce que la nourriture de lui va pas et que merde, on mange bien en France et pour pas cher, pourquoi ça serait pas la même chose ici.
  • Le Français râle parce qu'il peine à se faire de nouveaux amis qui ne soient pas de son pays. Il faut dire qu'il attend que les autres viennent vers lui et de toutes manières, ce que l'autre (qui vient d'un pays forcément moins bien que la France) a à lui raconter ne l'intéresse pas.
  • Il ponctue toutes ses phrases avec des "ah mais en France..." ou autres "oui mais dans mon pays...".
  • Il a une culture générale en géographie relativement franco-française, ce qu'il fait qu'il ne comprend pas pourquoi son homologue colombien ne connaît pas Antibes alors que lui ne sait pas que Bogotá est la capitale de la Colombie.
  • Au bout de deux mois de présence en Suède, il se décide à peut-être acheter un petit dictionnaire de poche. Anglais-Suédois, pour faire style.
  • À peine arrivé, le Français veut avoir tout fait. Helsinki, Talinn, Oslo, Kiruna. Par contre dans Stockholm il est incapable d'écrire correctement le nom de cinq rues.
  • Le Français (mais sur le coup il n'est pas tout seul) voudrait que tout lui soit servi sur un plateau, qu'il n'ait pas à lutter pour s'intégrer, qu'il n'ait pas à faire face à de grosses incompréhensions, qu'il n'ait pas à rester seul, parfois.
Oui, j'assume pleinement ce parti pris.